17 juillet 2019 - 20:22
Diplomatie burundaise
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Il était épuisé. Et déçu. Dans l’entrevue sur Skype, vendredi dernier, le maire de Mont-Saint-Hilaire, Yves Corriveau, semblait dépassé par les événements.

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Au moment d’écrire ces lignes, il cherchait à reprendre l’avion pour revenir au pays et raccourcir son voyage au Burundi, un pays de l’Afrique de l’Est dont le régime politique actuel est plus que contesté.
Je l’ai senti sincère dans ses intentions de tisser des liens entre sa ville et Bujumbura, la capitale économique du Burundi. Mais ce voyage se termine en queue de poisson et met probablement fin à tout espoir de jumelage entre les deux villes. Il faudra voir si le maire persistera dans cette voie; il semble décidé à le faire.
Charles Makara, président de l’Alliance burundaise du Canada, est persuadé que le maire de Mont-Saint-Hilaire servira, bien malgré lui, d’instrument de propagande dans ce pays pour légitimer le pouvoir en place. Le président du pays, Pierre Nkunrunzia, qui a rencontré le maire, pourra se vanter d’avoir accueilli un politicien canadien alors que la communauté internationale condamne son régime. M. Makaza rappelle que le régime actuel est le genre à contrôler l’information. L’organisme Reporters sans frontières soulignait que le travail des journalistes lors d’un référendum sur la constitution en 2018 s’était fait sous le signe de l’intimidation, des arrestations et de la suspension de médias. C’est le signe d’un contrôle de l’image et de l’information. Même si le maire Corriveau dit qu’il ne sera pas utilisé dans la propagande, il ne peut malheureusement pas en être certain. Rappelons que le président Nkunrunzia se fait appeler « guide suprême éternel » par son parti et voulait modifier la constitution pour rester au pouvoir jusqu’en 2034!
Un peu tout le monde me parle de cette histoire depuis quelques jours. On se demande si le maire a été naïf ou trop ambitieux. La cause de l’aide humanitaire est noble, sans aucun doute. Une Ville comme Mont-Saint-Hilaire peut sûrement faire sa part, pense Yves Corriveau ou encore le consul du Burundi au Canada, François-Xavier Pinte, de Mont-Saint-Hilaire. Au téléphone, M. Pinte souligne d’ailleurs le courage de M. Corriveau et vante son travail sur le terrain au Burundi. Je n’en doute pas une seconde.
Mais est-ce que cette Ville a d’affaire dans un pays aussi controversé que le Burundi où plusieurs organisations d’aide humanitaire ne sont plus les bienvenues? Et le gouvernement du Canada est clair : évitez de voyager dans ce pays « en raison des tensions politiques, des troubles civils et de la violence armée ».
Non, le maire ne mérite peut-être pas toutes les critiques virulentes dirigées vers lui. Mais je pense qu’on peut tout de même l’accuser d’une certaine naïveté. Avec le recul, je pense qu’il n’aurait pas dû mettre les pieds là-bas. Et peut-être devrait-il rencontrer Charles Makara, à son invitation, lorsqu’il remettra les pieds au pays. Ce sera peut-être la façon de tourner tout cet impair en quelque chose de constructif. Et peut-être de sauver le jumelage.
Précision : En l’absence d’un collègue pour les vacances, c’est moi qui ai rédigé le texte sur le sujet. Il est donc très délicat de commenter la situation en plus d’avoir écrit le texte journalistique le plus objectivement possible. Je me permets cet écart pour la simple et bonne raison qu’il est difficile pour moi d’éviter de commenter ce sujet cette semaine dans l’éditorial. Merci de votre indulgence.

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