17 janvier 2018 - 10:33
La retraite pour le docteur Marsolais
Une carrière à côtoyer la vie et la mort
Par: Vincent Guilbault
Marcel Marsolais. Photo: Karine Guillet

Marcel Marsolais. Photo: Karine Guillet

«La vie jusqu’au bout», lance spontanément le docteur Marcel Marsolais. L’homme de 71 ans aura passé les dernières années de sa carrière à prodiguer les soins palliatifs à la Maison Victor-Gadbois. Devant la mort, il préfère parler de la vie.

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Le médecin généraliste a longtemps pratiqué la médecine obstétrique. Donner la vie puis, plus tard, accompagner jusque dans la mort. L’idée frappe l’imaginaire, admet le Dr Marsolais, même s’il se refuse d’apposer l’étiquette glauque aux soins de fin de vie, soulignant que la naissance et la mort ont quelque chose de très semblable. «On sait dans les deux cas que ça va arriver, mais on ne peut prévoir quand.» Accompagner, que ce soit un jeune couple ou la famille d’un mourant, permet de tisser des liens chaleureux, de confiance, illustre-t-il. «Si on accompagne la famille lors de la perte d’un être cher, ce n’est pas tragédie, mais un événement qui soulage la famille.»
Mais il faut avoir fait les deux pour proposer ce regard, admet le nouveau retraité. Car, après plus de 45 ans de médecine, Marcel Marsolais se permet une première retraite, transitoire, celle-là, puisqu’il continuera à offrir de son temps à la Maison. Mais pour ses patients du Carrefour médical de Belœil, le temps d’un «au revoir» s’impose. Le docteur quitte son bureau du 665 Sir-Wilfrid-Laurier avec des larmes, les siennes et celles de ses patients, et un peu de nostalgie. «La clientèle s’attache, mais toi aussi, confie-t-il, la voix légère. Ce qui va me manquer? Le lien chaleureux du patient avec le médecin, la confiance qu’on met en toi. Tu te sens un peu moins utile lorsque tu arrêtes de faire ce que tu as aimé pendant 45 ans. Je suis rendu là, il faut que je l’accepte», dit-il, avec le sentiment du travail accompli.
Pour décrire son approche, l’homme parle de soins, mais surtout de l’importance d’être présent pour son patient. Le mot «accompagner» revient souvent dans la conversation. Lorsqu’on lui fait remarquer, il esquisse un sourire. «Ma pratique aura été comme ça. Soigner demande de traiter le corps et l’âme. Je prenais le temps, je n’étais pas à l’heure. Le système va vite, mais ce n’est pas ma philosophie.»

Résidence au Montagnard
Né à Montréal dans un milieu «très simple», Marcel Marsolais n’était pas prédisposé à un avenir en médecine. «J’avais le potentiel, sûrement, mais l’intérêt s’est imposé graduellement à force de côtoyer des gens en mauvaise santé. Je me suis fixé à ma troisième année de cours classique. J’avais été exposé à des voisins malades, j’ai aidé à domicile mon beau-père malade. Mon père est décédé lorsque j’avais 12 ans. J’ai baigné un peu dans l’univers de la maladie.»
Après ses études à l’Université de Montréal, le Dr Marsolais cherche à travailler en équipe. C’est ce qui le conduira à Belœil, en 1972, où il joint l’équipe du Centre communautaire de Belœil, un des ancêtres de la clinique actuelle.
Plus jeune médecin du groupe, il est obligatoirement de garde le vendredi et le week-end, ce qui le pousse à établir sa résidence secondaire à l’Auberge le Montagnard! «C’était un peu mon premier logement dans la région», raconte-t-il en riant. Pour le joindre, la clinique ou l’urgence devaient passer par le téléphone du bar. Puis, on finira par lui trouver une ligne directe à sa chambre.
Il s’établira avec celle qui est encore sa femme, Lise Baker Marsolais, à Belœil, avant de déménager sur l’Île des Sœurs en 1988 pour permettre à ses deux filles d’étudier la musique à Montréal.
Il tire aussi un trait sur la médecine obstétrique à cette époque, qu’il pratiquait à Charles-Lemoyne et à Honoré-Mercier, en raison de l’éloignement.

Médecine palliative
Les soins de fin de vie sont arrivés un peu par hasard dans la vie du docteur.
Des soins palliatifs se donnaient à domicile dans la région, rappelle le docteur, mais la situation était rarement évidente et les patients finissaient souvent par mourir à l’hôpital sur une civière. «Je n’avais aucun intérêt particulier au départ, mais le besoin est venu spontanément.»
Lorsque le projet d’une maison spécialisée s’est imposé dans la région, le docteur Marsolais a été l’un des médecins appelés à joindre l’équipe de soins.
Plus encore, il occupe la présidence de l’organisme presque sans interruption depuis 26 ans, avec deux épisodes de vice-présidence.
«On m’a demandé de participer au conseil d’administration. Mais je ne suis pas un homme d’affaires, je suis un homme de soins. Je n’avais pas de formation, souligne l’homme, qu’on sent timide de nature. Je n’ai rien fait seul, mais j’ai gardé le chapeau longtemps.»
En plus des soins, la Maison Victor-Gadbois est aussi un immense centre de formation. Aujourd’hui, le site Palliscience, issu de l’expérience de soins palliatifs de la Maison, est une référence dans le domaine.

Du temps pour soi
Au moment de l’entrevue, Marcel Marsolais préparait la passation de ses dossiers. Que compte-t-il faire de son nouveau temps libre? Certainement pas trop de golf, lui qui a fait une croix sur le sport pour être toujours prêt à réagir en cas d’un accouchement. Mais il prendra du temps pour penser à lui (voyages, culture), pour la santé et les petits enfants.
Et ne pas trop penser à la mort. D’ailleurs, comment aborde-t-on la mort lorsque nous l’avons côtoyée toute une vie? «Je réponds un peu toujours comme René Lévesque répondait; je traverserai le pont lorsque je serai rendu.»

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