31 mars 2021 - 17:23
Peur du printemps
Par: Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

C’est la première fois que j’ai peur en raison de la COVID-19. Depuis un an, je vis très bien avec elle. Elle me gosse, me garde à la maison, change mes habitudes. Je me méfie d’elle, bien sûr, et je fais des efforts pour ne pas me mettre à risque; surtout, mettre mon entourage à risque.

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Elle promettait de partir, mais j’ai l’impression qu’elle va coller un peu. Premier coup? La fermeture de la classe primaire de mon garçon. Le virus venait de débarquer concrètement dans mon village, dans ma petite vie tranquille. Ce n’est plus un virus hypothé- tique qui affecte les autres maintenant.

Le deuxième coup, c’est la fermeture complète de l’école secon- daire Ozias-Leduc, que fréquentent tous les ados de la rue.

Hier encore, en prenant une marche dans la rue, j’ai vu trois jeunes dans la même voiture, sans masque, sans crainte. Et je me suis dit à ce moment qu’on allait avoir un printemps de bouette.

Les experts du Collège des médecins pensent que nous avons déconfiné un peu trop vite, notamment avec l’arrivée de variants du virus et avec le retour en classe. Ajoutons le retour du beau temps et les potentiels rassemblements du congé pascal. Nous prenons un risque. Nous marchons sur un fil de fer, illustre en métaphore le Dr Horacio Arruda, pour justifier la décision du gouvernement de déconfiner tranquillement. Mais selon lui, c’est entre les mains des gens et cet équilibre entre risque et bonne volonté est nécessaire.

C’est la partie qui me fait peur. Je nous fais plus ou moins confiance. Mettons, pas comme l’année dernière. Si le confinement pèse autant sur vous que sur moi, j’ai bien peur que notre fortitude mentale craque.

Je ne dis pas que les gens ne respectent pas les consignes. Mais me semble qu’on discute d’un peu plus près. Me semble que notre bulle « familiale » est un peu plus grande. Me semble qu’on est un peu plus lousse sur le lavage de mains. Alors qu’on devrait être plus sévères envers nous-mêmes pour casser l’arrivée des variants, me semble qu’on préfère juste penser aux joies du printemps et à l’arrivée du vaccin. Me semble.

C’est rendu que je fais des calculs : je suis en santé, pas trop d’aînés dans mon cercle de relation. Ceux que je connais ont eu le vaccin; en fait, juste la première dose, mais c’est la même chose, non? Et puis, si j’ai pu recommencer la gym hier au centre d’entraînement, ça doit vouloir dire que ce n’est pas si pire?

Et je réalise que mon schéma mental est le même qu’au prin- temps dernier. Et là, j’ai peur.

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