13 avril 2015 - 00:00
L’écran
Par: Vincent Guilbault
L'écran

L'écran

Le téléphone en se levant. L’ordi au travail. La télé en arrivant du boulot. La console de jeu pour ventiler, la tablette pour lire un bon livre.

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Le téléphone pour attendre en file, le téléphone pour montrer une photo. Le téléphone pour parler aux amis via les réseaux sociaux. Un écran, «scotché» à la face à la journée longue.

Prendre une pause pour aller à la salle de bain? Ça serait mentir pour certains.

Sommes-nous accros, ou simplement de notre époque?

J’aime dire de notre époque, d’abord. C’est la première réflexion que j’ai eue lors de ma rencontre avec Frédéric Fortier et Paméla Héon de l’organisme en prévention des dépendances l’Arc-en-ciel. Les écrans ont sublimé certaines activités. La liseuse est-elle un mal plus grand que le livre en papier? Puis, une heure de jeux vidéo ou une heure de couture, est-ce bien différent si ça permet de relaxer. J’étais peu convaincu de l’impact qu’aurait une semaine sans écran dans ma vie, comme le propose l’organisme.

Au fil de la conversation, j’ai bien dû l’avouer. Un peu accro. L’écran envahit mon (notre?) univers, perce ma bulle, entrave mon être. L’écran partout pour tuer le temps. Ce temps utile à la réflexion, utile pour se retrouver. Retrouver le soi, retrouver l’autre.

En quelques années, Internet s’est incrusté dans nos vies de façon insidieuse. On ne vit plus le moment présent, on l’«instagram» pour le reste du monde. On ne célèbre plus le moment, on le «tweet» pour le partager. On cache le concert avec nos téléphones pour capter la prestation au lieu de profiter du moment. Avons-nous peur de l’éphémère à ce point?

Ma pensée se transforme. Je lis en mode Google, des dizaines d’articles par jour, des citations en 140 caractères, des statuts Facebook pour commenter le quotidien. Le soir, me plonger dans un livre relève de l’exploit. Jouer avec les enfants un défi constant si la télé peut se charger de le faire.

Ces écrans devaient nous rapprocher les uns aux autres. Pourtant, il faut entendre Louis-Jean Cormier nous rappeler que «L’on joue au solitaire, tout le monde en même temps». Un peu accro, beaucoup de notre époque si l’on doit le chanter.

Pamela Héon faisait remarquer que nous n’avions plus besoin de maman pour une recette, on a Ricardo à quelques clics. N’est-ce pas la plus triste remarque que vous lirez aujourd’hui? Cette connaissance sans la sagesse. Ce savoir sans l’enseignement, sans le contact.

L’exercice proposé par l’Arc en ciel n’a rien de nouveau. Décrocher quelques jours des écrans nous permettra deux choses. D’abord, se retrouver du temps. Pour soi, pour les trucs qu’on repousse. Mais, paradoxalement, je crois qu’un temps d’arrêt nous fera apprécier davantage les technologies. C’est tout de même l’ironie de cette chronique; malgré cette longue plainte, je suis le premier à reconnaître cet amour pour les écrans.

 

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