1 octobre 2020 - 02:54
Hugo Dubé a vécu la crise d’Octobre au grand écran
Par: Denis Bélanger

Hugo Dubé dans le rôle de Paul Rose. Photo Jean-François Leblanc/Collections de la Cinémathèque québécoise

Hugo Dubé reçoit quelques instructions de Pierre Falardeau avant de tourner la fameuse scène de la brique. Photo Jean-François Leblanc/Collections de la Cinémathèque québécoise

L’affiche du film Octobre. Photo Collections de la Cinémathèque québécoise

Hugo Dubé sur le plateau de la troisième saison de Blue Moon (2017). Photo gracieuseté

Cinquante ans après la crise d’Octobre, certaines générations demeurent marquées par cet événement sombre de l’histoire du Québec. Le comédien de Mont-Saint-Hilaire Hugo Dubé a eu l’occasion de participer à « un côté de l’histoire d’un peuple » en incarnant un membre du Front de libération du Québec (FLQ) dans le film Octobre de Pierre Falardeau. À l’approche du 50e anniversaire de la crise, l’Hilairemontais a partagé à L’Œil Régional ses souvenirs entourant les coulisses du tournage.

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Sorti au grand écran en 1994, Octobre met l’accent sur les sept jours d’emprisonnement du ministre québécois Pierre Laporte, kidnappé le 10 octobre par la cellule Chénier du FLQ. Cette longue semaine avait été marquée par l’imposition de la Loi sur les mesures de guerre qui avait mené à l’intervention de l’armée canadienne sur le terrain et l’arrestation de centaines de personnes. Le kidnapping du ministre était survenu quelques jours après l’enlèvement du diplomate britannique James Richard Cross par les membres de la cellule Chénier.

Le scénario du film avait été inspiré du livre de Francis Simard, l’un des quatre membres qui composaient la cellule Chénier avec les frères Paul et Jacques Rose ainsi qu’avec Bernard Lortie.

La distribution du film était également composée des comédiens Pierre Rivard, Denis Trudel, aujourd’hui député du Bloc québécois, Luc Picard et Serge Houde, dans la peau du ministre Laporte.

Dans le film, les felquistes ne nomment jamais leur prénom. Le personnage de Dubé, le leader apparent du quatuor, se fait appeler « le gros ». « Ils faisaient ça pour éviter de se faire prendre s’il y avait de l’écoute électronique », explique l’acteur. Même si le générique n’identifie pas plus quel comédien jouait tel kidnappeur, Hugo Dubé affirme sans gêne qu’il jouait Paul Rose. Ce dernier est décédé en 2013 et fait l’objet d’un documentaire Les Rose, lancé cette année et réalisé par son fils Félix Rose.

Un événement marquant

Hugo Dubé était emballé de pouvoir camper un rôle historique. Il gardait même en tête quelques images de la crise, même s’il n’était âgé que de cinq ans à l’époque. « Nous étions à Sherbrooke et j’avais vu les gars de l’armée protéger l’endroit où Bell Canada avait des communications. On sentait aussi une tension et mes parents étaient nerveux, se rappelle-t-il. Toute ma génération avait été marquée par cet événement qui avait mené à la Loi sur les mesures de guerre. Comme acteur, j’avais envie de participer à ça! »

Hugo Dubé se souvient encore qu’il portait un chandail de Céline Dion le jour de l’audition avec Pierre Falardeau, en 1993. La rencontre a elle aussi été hors du commun. « C’était assez simple, il voulait qu’on mange des toasts au beurre de peanut. Spielberg, lui, faisait faire des tartes à ses comédiens. Oui, tu lis le texte, mais la simplicité de faire des toasts désoriente bien des acteurs. Après, j’ai eu le texte et Falardeau me disait de faire attention, car je grossissais mes yeux. Il m’avait suggéré de mettre une tension dans mes yeux. »

Au départ, le film s’intitulait Rue Armstrong, rue où était située la maison dans laquelle le ministre Pierre Laporte a finalement été exécuté. « Falardeau ne voulait pas que le nom Octobre lui fasse bloquer du financement par Téléfilm Canada. Ç’a été long à faire accepter », se rappelle Hugo Dubé.

« Le tournage aura finalement duré une trentaine de jours et aura été filmé majoritairement en ordre chronologique. […] Quand on s’est réunis à son studio sur Parthenais, Falardeau était en train de payer Hydro-Québec pour qu’il rebranche l’électricité. »

Plusieurs scènes mémorables

Octobre a son lot de scènes fortes en émotions et mémorables. Dans le cas d’Hugo Dubé, on lui parle encore du moment où il se frappe à la figure avec une brique. Il s’agissait d’une tactique pour son personnage de se défigurer afin de ne pas se faire reconnaître.

« J’avais arrêté de tourner, car j’avais fait une pharyngite. J’avais guéri vite et on avait modifié l’horaire. Pour la scène, j’utilisais une brique en foam. Quand je me donnais des coups, je ne sentais rien sur le visage. Les gens avaient peur que je me fasse vraiment mal. L’accessoiriste avait fait une belle job. C’était une scène extraordinaire à tourner et on l’a fait de façon à ce que je ne me fasse pas mal. J’étais très content du résultat. »

Il se souvient aussi très bien du tournage du kidnapping de Pierre Laporte, filmé à Saint-Hubert. Les comédiens portaient tous une perruque pour la scène. « Nous étions dans une voiture des années 1970. Il fallait aller manger par la suite, le chauffeur s’est trompé de route. Il s’était arrêté devant un policier à moto pour lui demander des informations. L’agent nous avait vus avec nos perruques et se demandait à qui il avait affaire. Et nous autres, on était crinqués dans le char. Le policier nous a laissé partir sans trop poser de question. »

Même si le long-métrage reposait sur une trame dramatique, l’ambiance sur le plateau de tournage était des plus détendues. « Nous avions beaucoup ri à faire ça. Il fallait lâcher la pression et Pierre Falardeau était parfait pour ça. C’était un des gars les plus drôles. Oui, il se battait pour le Québec, mais il savait lâcher prise. »

Hugo Dubé était bien content du résultat final quand il a vu le film dans son entièreté. Il avait toutefois été surpris que le film Octobre ait connu un timide succès au guichet. « Finalement, je pense qu’il y avait beaucoup de Québécois qui ne voulaient pas retourner à cette période et vivre ce moment difficile. Les gens ont attendu de le voir en VHS. »

Des Filles de Caleb à District 31

Avant de décrocher le rôle dans Octobre, Hugo Dubé roulait déjà sa bosse comme comédien depuis la fin des années 1980. Il avait joué dans plusieurs séries et émissions, mais son rôle le plus important à cette étape de sa carrière avait été celui de Joachin Crète dans Les filles de Caleb. Il a aussi fait revivre ce personnage dans la suite, Blanche.

Celui qui s’est installé à Mont-Saint-Hilaire admet que son premier rôle au cinéma n’a pas eu un effet boule de neige dans sa carrière. « Ça ne m’a pas ouvert des portes immédiatement pour d’autres rôles, même si j’avais gagné le prix du meilleur acteur aux Rendez-vous du Cinéma québécois. J’ai eu une carrière où j’avais des moments d’absence et ne faisais que passer sous le radar. C’est une qualité chez un acteur quand on t’oublie. Je me compare un peu à Sam Rockwell : lui non plus n’est pas une tête d’affiche, mais il a joué plusieurs rôles et a même gagné un Oscar. »

Des rôles de tout genre ont suivi dans le reste des années 1990. Il a eu notamment un rôle important dans la minisérie Les bâtisseurs d’eau (1997), centrée sur l’industrie de l’hydroélectricité et la création d’Hydro-Québec. Les années 2000 ont néanmoins permis à l’acteur chevronné de se faire remarquer au petit écran par un vaste auditoire varié, notamment dans Ramdam, Providence, Série noire et tout récemment dans District 31.

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