5 février 2020 - 15:00
Saint-Mathieu-de-Belœil
Des voisins demandent le déménagement d’une entreprise
Par: Sarah-Eve Charland
Selon des résidents, Béton Belœil génère de la pollution par poussière et sonore entrainant une perte de quiétude dans le quartier. Photo Sarah-Eve Charland | L’Œil Régional ©

Selon des résidents, Béton Belœil génère de la pollution par poussière et sonore entrainant une perte de quiétude dans le quartier. Photo Sarah-Eve Charland | L’Œil Régional ©

L’agrandissement d’une usine de béton à Saint-Mathieu-de-Belœil il y a quelques années continue de créer des désagréments dans le voisinage. Sans remettre en question le succès de l’entreprise ni sa légalité, une résidente du secteur remet plutôt en doute la pertinence d’une telle entreprise dans un secteur entouré de maisons.

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Béton Beloeil a été rachetée en 2012 par une compagnie de Cowansville. À l’époque, un entrepreneur opérait seul à l’aide de mini-bétonneuses. Deux ans plus tard, les nouveaux propriétaires obtiennent les autorisations d’agrandir leur immeuble dans l’objectif d’accroître leur production. C’est à ce moment que les désagréments ont commencé.
Ce bâtiment, tout comme les maisons autour, est situé en zone agricole. Les citoyens du secteur se sont plaints à plusieurs reprises auprès de la Municipalité du bruit incessant (dès 5 h le matin jusqu’en fin de soirée) et de la pollution par la poussière.
Deux ans après l’agrandissement, un voisin a comptabilisé le nombre de camions qui circulaient devant chez lui sur le chemin du Ruisseau Nord. Selon son analyse non scientifique, un camion passait toutes les cinq minutes devant chez lui. Pendant l’heure durant laquelle elle a fait son entrevue, notre journaliste a observé huit camions circulant sur la route. « C’est une journée tranquille », soutient une résidente à proximité, Manon Bilodeau.
Cette citoyenne a acheté sa maison en 2012. Quelques mois plus tard, l’entreprise est vendue. « Quand il a commencé à construire, j’ai eu un moment de panique. J’ai voulu laisser la chance au coureur. Le propriétaire était venu me voir pour me rassurer. […] J’ai voulu être la bonne voisine, parler avec le conseil municipal. Ça n’arrête pas de grossir. Jamais je n’aurai la quiétude dans ma maison. »
Mme Bilodeau ne souhaite pas voir l’entreprise fermer pour autant. « Tant mieux si c’est une entreprise prospère, mais je crois tout de même que sa place est dans un parc industriel », affirme-t-elle.
Il s’agit de l’enjeu principal selon la résidente. Manon Bilodeau estime que la Municipalité n’aurait jamais dû accepter qu’une entreprise s’agrandisse de cette façon, mais qu’elle aurait plutôt dû inciter les propriétaires à déménager dans un parc industriel.
« Il y a eu un manque. Pourquoi on a laissé l’entreprise devenir aussi grosse? Pourquoi on laisse les compagnies prendre de l’ampleur dans un quartier assez résidentiel? Il y a une injustice. »
Des citoyens avaient signé une pétition déposée à la Municipalité il y a plusieurs années. La Municipalité avait tenté de régler le problème en demandant à une firme de médiation d’intervenir, mais en vain.
La Municipalité assure avoir effectué toutes les vérifications nécessaires par les inspecteurs de la Municipalité. La compagnie est en droit acquis, affirme-t-on. « Jusqu’où vont leurs droits acquis comparativement aux miens? », se questionne Manon Bilodeau.

La Municipalité respecte le droit acquis
Le maire de Saint-Mathieu-de-Belœil, Normand Teasdale, est bien au fait de cette problématique qui perdure depuis quelques années. « Déjà, l’usine a fait des modifications pour minimiser énormément la quantité de poussière qui peut être émise par ses activités. Au niveau du bruit, on continue à travailler pour atténuer les choses afin d’améliorer la cohabitation avec les voisins », mentionne-t-il.
Les propriétaires profitent d’un droit acquis, répète le maire. « On ne peut pas les empêcher d’opérer à cet endroit-là. On ne veut pas les empêcher d’opérer. On veut travailler avec eux pour faire en sorte que leurs activités continuent et qu’ils mettent en place des mesures pour diminuer les impacts négatifs. C’est un travail d’accompagnement. »
Notons qu’au moment d’écrire ces lignes, la Municipalité n’avait toujours par remis à notre journaliste le règlement de zonage et le règlement lié aux nuisances auxquels l’entreprise est soumise, deux mois après la demande.

Des plaintes
Le ministère de l’Environnement du Québec a reçu deux plaintes concernant l’émission de poussière et de bruit au printemps passé. En juin, le Ministère a effectué une inspection des lieux, mais n’a constaté aucun manquement. Il a sensibilisé l’entreprise aux conséquences de l’émission de poussière afin de l’inciter à prendre les mesures nécessaires. Le Ministère n’a pas reçu d’autre plainte au cours des derniers mois.
Le ministère de l’Environnement et la Municipalité n’ont qu’un pouvoir de recommandations. D’autres mesures d’atténuation du bruit et de la poussière pourraient suivre, car la Municipalité poursuit sa démarche avec l’organisme gouvernemental et Béton Belœil démontre une bonne volonté depuis l’été passé, a mentionné la direction générale de Saint-Mathieu.
La Régie intermunicipale de police Richelieu–Saint-Laurent confirme avoir reçu plusieurs plaintes concernant le bruit, sans préciser le nombre.

De bonne foi
Le copropriétaire Hugo Lamarche précise avoir fait toutes les démarches nécessaires au moment de l’achat de l’entreprise en 2012 pour s’assurer d’être en règle. Il y a quelques mois, les propriétaires ont fait bétonner la cour de l’usine afin de limiter l’émission de poussière. Cette démarche a représenté un investissement de près de 500 000 $, selon M. Lamarche.
« Veut veut pas, on essaie de coopérer avec [les citoyens] en espérant qu’eux, un jour, essaient de coopérer avec nous. […] Depuis 2012, le volume [de production] a un peu augmenté, mais on est encore en dessous de notre certificat d’autorisation pour essayer d’acheter la paix avec les voisins. […] On est autorisé entre 30 000 m3/an et 40 000 m3/an. On est peut-être à 20 000 m3/an en termes de production », affirme le copropriétaire.
Selon le Ministère, l’entreprise Béton Belœil a obtenu un certificat d’autorisation en 2014 qui autorise une capacité de production de 100 m3/heure de béton, pour un maximum de 30 000 m3/an.
L’usine autorisée est dotée d’un dépoussiéreur intégré et d’un système de traitement pour ses eaux de lavage. Elle s’est aussi engagée auprès du Ministère à respecter un niveau sonore dans le cadre de sa demande d’autorisation.
« Le commerce était là avant bien des maisons. Toutes les autres maisons ont aussi des droits acquis. J’ai le même droit acquis que les maisons dans ce coin-là », conclut M. Lamarche.

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