8 juillet 2020 - 17:46
Petite modernité
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

J’avais probablement 17 ans. J’étais employé d’une épicerie. Je me souviens d’une journée passée devant la rangée des serviettes hygiéniques avec mon fusil à autocollants pour marquer les produits en rabais. Un panneau au complet : aile, pas d’aile, de jour, de nuit, mince ou pas, bleue ou rose.

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Ma collègue, un peu plus vieille, m’avait offert un cours rapide sur les différents modèles. Je ne me souviens pas de toutes les infos, mais je me souviens que, par la suite, je pouvais aller en acheter à ma blonde sans avoir l’air trop perdu.
C’est le genre de truc qui ne marque pas un gars. Les menstruations, déjà! J’ai 37 ans et le phénomène est encore un peu mystérieux dans le détail.
Je crois que les serviettes hygiéniques ont été mon premier wake-up call devant les petites injustices que vivent les femmes. D’abord, ça coûte cher, les produits d’hygiène. À l’époque, ma blonde et moi étions tous les deux au salaire minimum. Quoique moi, j’avais le pourboire de l’emballeur, pas elle!
En plus, elle devait payer pour ses serviettes hygiéniques. Puis, la contraception, c’était son truc. Puis, je ne compte pas tous les produits d’esthétisme comme les shampoings ou le maquillage. Une coupe de cheveux, ça me coûtait 10 $. Elle? Probablement une soirée de travail.
Et je ne parle même pas de la taxe rose, qui fait qu’un rasoir pour homme va coûter moins cher qu’un rasoir pour femme, alors que la seule chose qui les différencie, c’est la couleur! Parce que tsé, tu ne peux pas te raser les jambes avec un rasoir bleu!
Belœil propose donc de rembourser la moitié du prix des produits hygiénique pour les femmes, jusqu’à concurrence de 75 $. Oui, c’est une mesure verte; on vise les produits réutilisables. Mais c’est aussi une réponse féministe, au-delà du geste, que cette réponse soit ou non assumée comme telle.
Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard si Belœil prend l’initiative avant bien d’autres villes. Non seulement le conseil municipal est-il (presque) paritaire, mais notons que beaucoup de postes de gestion sont occupés par des femmes à Belœil. Bien sûr, l’idée du remboursement a été poussée par un groupe de citoyennes, mais il a eu de l’écho dans l’administration et au sein des élus. J’extrapole peut-être, mais je gagerais un petit 10 $ que la présence féminine y est pour quelque chose. Si ce n’est pas directement, c’est sûrement par une forme d’influence. Comme homme, d’être entouré de femmes, ça finit par vous sensibiliser à des questions qui ne vous effleureraient même pas l’esprit. Comme le coût des serviettes hygiéniques réutilisables!
Donc oui, c’est une nouvelle certainement banale en apparence. Mais elle avait fait tollé lorsque le gouvernement fédéral avait proposé de modifier le Code canadien du travail pour forcer les employeurs fédéraux à fournir gratuitement des produits menstruels à leurs employées. Sans refaire le débat, je ne vois que du gros bon sens dans cette proposition. Et pour moi, cette décision de Belœil est un pas dans la bonne direction. Ce n’est qu’un petit pas, mais c’est un petit pas vers la modernité. Et ça ne peut qu’être salué.

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