31 mai 2019 - 19:36
Parc et démocratie
Par: Vincent Guilbault
Vincent Guilbault

Vincent Guilbault

Ça semble être une question de parc à chien. Mais c’est aussi une question de démocratie. Attention, le terme démocratie est légèrement galvaudé ici. Mais illustrons quelques exemples en rafale pour bien comprendre.

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Commençons par le mariage gai à Taiwan. Malgré un référendum d’initiative populaire permis par le gouvernement, les Taiwanais se sont montrés plutôt froids devant l’idée du mariage gai. Les législateurs ont tout de même voté une loi pour permettre le mariage gai afin de respecter la constitution du pays qui ne limite pas le mariage entre un homme et une femme. Un populiste dirait que le « gouvernement des juges » a imposé une loi qui va à l’encontre des valeurs de la population. Un avocat spécialisé en constitution vous dirait tout de même que tout est démocratique ici. Parce que les droits de la minorité ne peuvent pas être bafoués par les humeurs de la majorité.
Renversons. Ici, avec la Loi 21, la majorité des Québécois sondés se disent en faveur d’une restriction de certaines libertés individuelles quant au port de signes religieux pour les personnes en position d’autorité. Contrairement à Taiwan, le gouvernement caquiste peut se vanter ici d’agir avec la majorité derrière lui, allant jusqu’à souligner à grands traits qu’au Québec, « il est temps de fixer des règles parce qu’au Québec, c’est comme ça qu’on vit ».
Pourtant, malgré la volonté d’une bonne partie de la population, nos dirigeants devront utiliser une ruse avec la clause nonobstant pour faire passer leur loi. Parce que même si une majorité veut une loi, notre système de lois est aussi là pour protéger les minorités et, par le fait même, le bien commun. La plupart des textes fondateurs des démocraties modernes prennent soin de protéger les peuples d’eux-mêmes; les protéger de leur humeur.
Dans les deux cas, bien différents, on voit bien que majorité, démocratie, légitimité et loi sont des concepts bien différents.
Avec le recul, c’était un drôle d’exercice que le sondage pour installer un parc à chiens à Belœil. Le sondage, ouvert à tous, a servi à déterminer un lieu parmi trois propositions. Une fois choisi par environ 53 % des répondants, le site de la rue Radisson a été annoncé et certains riverains sont sortis de leur torpeur en réalisant qu’il serait à côté de leur maison. Ils n’étaient pas d’accord. Mais le sondage avait parlé et la Ville se sentait redevable à cet exercice de consultation. Je ne peux que comprendre Jean Caumartin, auteur d’une pétition contre le parc, qui clame que l’exercice n’a rien de démocratique. Il a tout à fait raison. D’abord, la majorité est consultée pour une décision qui n’impactera qu’une toute petite partie de la population (comme la loi 21, à grands traits de comparaisons douteuses, j’en conviens). Puis, les résidents du quartier, en majorité contre, se font imposer un choix qui va contre leur volonté (un peu comme les opposants en Taiwan, majoritaires). Intéressant de voir que l’actualité internationale peut nous donner des leçons au niveau local! Sans les mêmes impacts, entendons-nous.
La Ville met le projet sur pause, sensible aux doléances des opposants qui se disent déjà les victimes du bruit. Mais l’intention d’installer le parc à cet endroit reste ferme. Ce sera l’occasion de rediscuter démocratie, majorité et légitimité en septembre.

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