16 août 2018 - 11:13
Campagne de socio-financement pour un livre
La vie après un AVC
Par: Karine Guillet
Julie Desroches et Simon Parisien tiennent le manuscrit de leur premier livre. photo:François Larivière

Julie Desroches et Simon Parisien tiennent le manuscrit de leur premier livre. photo:François Larivière

Lorsqu’il a fait un arrêt vasculaire-cérébral (AVC) dans les allées du supermarché Les Arpents Verts en 2006, Simon Parisien ne savait pas trop ce qui venait de lui arriver. Au milieu de cette épreuve, sa conjointe Julie Desroches et lui s’étaient mis à l’écriture pour donner un sens à la maladie. Neuf ans et des centaines de pages plus tard, ils continuent de surmonter les épreuves pour enfin accoucher de leur premier livre, malgré le refus des maisons d’édition.

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Si la relation amoureuse a aujourd’hui fait place à une relation d’amitié, la complicité qui unit Julie et Simon remplit encore la pièce au rythme de leurs rires. Assis à table dans l’appartement de Julie, voisin au domicile de son mari, ils rient de bon cœur en repensant aux épreuves qu’ils ont traversées. Comme cette fois où Simon perdait ses objets dans son lit ou encore à ce moment où il est resté coincé dans une pente avec son fauteuil roulant. Ou même lorsqu’il a fait la moitié de sa barbe.
Des épreuves qui les font bien rire aujourd’hui, mais qui semblaient moins drôles il y a quelques années. C’est dans une volonté de donner de l’espoir aux personnes qui vivent la maladie qu’ils ont souhaité aller de l’avant avec ce projet. «On a des traversées, des épreuves. La vie se transforme, mais elle demeure là pareil», lance Simon.

À quatre mains
La traversée : une histoire d’amour, d’AVC et de proche-aidance, c’est l’histoire de Simon, mais aussi celle de Julie, qui a quitté son emploi pour aider Simon à remonter la pente. Une histoire écrite à quatre mains, insistent-ils, pour faire mettre en lumière les dessous de l’AVC et de la proche-aidance.
«Ce n’est pas que l’histoire de Simon qui a fait un AVC ou mon histoire de proche-aidante, explique Julie. On peut voir les deux destins parallèles. Plus on voit Simon se relever, plus on voit mon état diminuer parce que c’est très exigeant la proche-aidance.»
C’est le genre de livre qu’ils auraient aimé avoir à leurs côtés quand Simon est tombé, qui leur aurait permis de «se sentir moins seuls», croit Julie. Il aurait peut-être aussi diminué les longues heures de recherches passées à tenter de comprendre l’état de Simon. «Quand il y a de la maladie, souvent, tu es isolé. Il y a des phases où on a été isolés longtemps, dit Julie. Quand on en parlait, les gens disaient: “Ah ouin?”. C’est comme de l’enseignement qu’on fait. C’est de mettre en lumière des affaires qui ne sont pas dites.»

Sociofinancement
Aujourd’hui, Simon a repris un travail à temps partiel qu’il adore. Cinq ans et quatre tests plus tard, il a même récupéré son permis de conduire. Lui qui peinait à prendre le volant dix minutes a même roulé jusqu’à Rimouski. La perception du temps est encore difficile et la tolérance au stress presque inexistante. Julie, elle, va de mieux en mieux. Elle a recommencé à travailler, à temps partiel.
Après neuf ans, le duo a mis un point final à son livre. Il fait appel au financement populaire, via la plateforme de sociofinancement «La Ruche» pour publier son œuvre, après avoir essuyé plusieurs refus des maisons d’édition. Selon le tandem, les maisons d’édition ont reconnu une certaine qualité au livre, mais chignent à prendre un risque puisqu’ils ne sont pas connus. «On était tannés d’attendre, dit Julie. C’est un projet qui nous tient à cœur et nous avons de bonnes intentions en arrière de ça. Ce n’est pas pour faire de l’argent, mais pour aider les autres.»
Ils doivent récolter 5000 $. La campagne va bon train, alors qu’ils ont jusqu’à présent récolté 3000 $, mais le tandem est encore nerveux d’atteindre son objectif, sans quoi ils ne récolteront aucun argent de cette campagne, alors que l’argent n’est débité que lorsque l’objectif est atteint.

Donner un sens
Le livre était au départ un moyen pour eux de donner un sens à l’épreuve qui leur tombait dessus.
«Ça m’a donné un os à gratter, explique Simon. Quand je cherchais du travail et que je n’en avais pas, tous les deux, ça nous a donné un projet commun. Et c’était le fun.»
«De voir que le livre peut avoir de la portée, ça me réjouit, croit Julie. Je me dis que nous n’avons pas vécu tout ça pour rien. On a pu en témoigner et aider d’autres gens. Ça aura donné du sens à toute cette affaire-là.»
De leur expérience, ils voudraient surtout que l’on retienne de ne pas se décourager. Et de ne présumer de rien. «On part d’un rivage et on va à l’autre rivage. C’est la découverte de l’autre rivage, de voir où ma vie s’en va, ce qu’elle va être [qui me fascine]. C’est sûr que c’est facile pour moi de parler comme ça parce que Julie est encore là, c’est ma meilleure amie. Elle est là pour me supporter. Si j’étais tout seul, je ne sais pas si j’aurais le même discours. Quand j’ai fait l’AVC, je n’aurais jamais su que je me retrouverais dans cette situation. C’est comme l’effet de surprise tout le temps», dit Simon. n

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