23 novembre 2015 - 00:00
Climat: les premiers ministres veulent rétablir la réputation du Canada
Par: L'Oeil Régional

OTTAWA. Un consensus semble émerger alors que s’amorce la première rencontre fédérale-provinciale en sept ans: le temps est venu de rétablir la réputation du Canada à l’étranger quant à la lutte contre les changements climatiques.

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Les premiers ministres provinciaux et territoriaux sont à Ottawa lundi pour une réunion du Conseil de la fédération ainsi qu’une rencontre de travail avec Justin Trudeau.

À quelques jours de l’ouverture de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris, l’objectif du gouvernement libéral est de démontrer ses bonnes intentions dans le dossier. À leur arrivée dans la capitale fédérale, plusieurs premiers ministres ont d’ailleurs exprimé leur soulagement de voir Ottawa s’engager de façon constructive contre le réchauffement planétaire, mais aussi établir un dialogue avec les provinces.

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a d’entrée de jeu insisté sur le fait qu’il était important de procéder au «rebranding» du Canada sur la scène internationale. Selon lui, la réputation du pays est fortement liée au développement des sables bitumineux albertains, malgré qu’il soit le troisième producteur d’hydro-électricité dans le monde.

«C’est un pays dont, maintenant, avec l’annonce de l’Alberta, près de 80 pour cent de la population va être dans un régime de fixation du prix du carbone. Cette histoire n’est pas connue», a-t-il illustré.

La première ministre de la Colombie-Britannique, Christy Clark, a évoqué un «oeil au beurre noir» pour qualifier la réputation du Canada sur l’environnement. Celui du Nouveau-Brunswick, Brian Gallant, a insisté sur l’importance de la coopération entre les différents paliers de gouvernement, notant que les changements climatiques ne connaissent pas de frontières.

Tous ont salué le plan albertain dévoilé dimanche par Rachel Notley, qui a annoncé notamment une taxe sur le carbone de 20 $ par tonne de gaz à effet de serre (GES) en 2017, puis de 30 $ l’année suivante.

«Avec l’Alberta qui pose un geste si fort en ce sens, je pense que nous allons maintenant à Paris comme un pays qui a (…) quelque chose de solide à offrir pour ce qui est de notre façon d’aller de l’avant et d’avoir un impact comme provinces et comme nation», a déclaré la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, à sa sortie de la réunion avec ses homologues.

Flexibilité

Les discussions de lundi n’ont pas pour objectif d’établir une nouvelle cible de réduction des GES pour le Canada. Le gouvernement Trudeau a déjà indiqué qu’il comptait se rendre à Paris avec la cible fixée précédemment par les conservateurs, soit une réduction des émissions de 30 pour cent par rapport à 2005, d’ici 2030.

Une nouvelle cible pourrait toutefois être établie dans la foulée de la conférence, la ministre de l’Environnement, Catherine McKenna, ayant promis de rencontrer ses homologues provinciaux sur le sujet dans les 90 jours suivant la COP21 afin de diminuer «rapidement» les GES.

Au-delà des cibles, les provinces ont insisté sur le fait qu’Ottawa devait leur laisser le champ libre sur les façons de s’attaquer au problème.

«La base ici devrait être un prix sur le carbone. Comment vous y parvenez, que ce soit par une taxe ou un système de plafonnement et d’échange, devrait être laissé entièrement à l’initiative des provinces», a insisté M. Couillard.

«J’espère aujourd’hui que nous nous entendrons sur le fait que le travail déjà engagé ou accompli par les provinces (…) servira de base, de cadre, pour la suite», a pour sa part indiqué Mme Wynne.

En point de presse en début d’après-midi, le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a toutefois réclamé qu’Ottawa impose des cibles et une loi obligeant de faire rapport pour s’assurer que le Canada diminuera bel et bien ses émissions de GES.

«Il faut éviter une situation où une province pourrait tout simplement décider de ne rien faire. Et c’est malheureusement la situation qui risque de se produire avec ce que M. Trudeau est en train de proposer, s’il laisse ça exclusivement aux provinces», a-t-il soutenu.

L’opposition officielle conservatrice s’est pour sa part manifestée par communiqué. Le député Ed Fast, porte-parole en matière d’environnement, s’est réjoui que le gouvernement Trudeau adopte les cibles de réduction des émissions du gouvernement conservateur défait le mois dernier. Il s’est toutefois inquiété de l’impact sur l’industrie énergétique des engagements qui seront pris à la COP21.

«Ce n’est pas le moment d’imposer d’autres mesures punitives à une industrie qui lutte déjà avec la baisse des prix mondiaux, et qui emploie des centaines de milliers de Canadiens», peut-on lire dans le communiqué. 

Le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, tenait un discours semblable. M. Wall est vu, par certains, comme possible prétendant au leadership du Parti conservateur fédéral.

«Quel que soit l’accord auquel nous arrivons à Paris (…), nous devons comprendre l’impact que cela aura sur les emplois, sur le secteur de l’énergie qui a déjà subi de lourdes mises à pied», a fait valoir M. Wall.

«Nous devons aller à Paris avec un plan, mais assurons-nous que ce plan tienne compte de l’impact que nous pourrions avoir sur la Saskatchewan, sur l’Alberta, sur les familles canadiennes qui dépendent du secteur de l’énergie pour leur gagne-pain», a-t-il insisté.

En fin d’après-midi, les premiers ministres ont assisté à un briefing technique sur la science derrière les changements climatiques. Accueillis par le premier ministre Trudeau au Musée de la nature, à Ottawa, ils ont débuté cette partie du programme par une minute de silence à la mémoire des victimes de l’attentat du 13 novembre à Paris. Puis, la première ministre Notley a donné les détails de son plan de taxer le carbone avant de céder le micro à des scientifiques venus expliquer les changements climatiques.

«La science est concluante: le réchauffement est sans équivoque et l’influence humaine sur le système climatique est claire», a affirmé le chercheur principal à la Division de la recherche climatique du ministère, Gregory Flato.

Fannie Olivier, La Presse Canadienne

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